Compains

Histoire d'un village du Cézallier

– Les Croix

 

 

 

LES CROIX, TÉMOINS DE LA FOI DES MONTAGNES

 

      Bien des croix ont été dressées à Compains depuis que, missionné par saint Austremoine au IIIe siècle, l’évangéliste Antoninus vint fonder au bord de la Couze une première église qu’Austremoine serait venu dédicacer lui-même à saint Michel Archange.

 

     

 

 

 

 

 

 

     

      La typologie des croix qui émaillent le terroir de Compains est variée. Notre inventaire montre qu’en pays d’habitat très dispersé, des croix omniprésentes christianisent non seulement chacun des villages égaillés sur le territoire paroissial, mais aussi des sources surgies de la montagne ou le chemin suivi par les passants qu’elle aidaient à s’orienter quand l’écir effaçait les chemins. Croix de chemin, de mission ou de cimetière, croix mémorielles aussi, là où mourut le curé Marius Bérard en 1981 ou, sur le Joran, là où tomba Antoine Chabaud. De la plus ancienne à la plus récente, toutes reflètent la mentalité profondément religieuse de nos ancêtres.

 

      Les croix décrites ci-dessous sont rarement très anciennes. Mal entretenues ou brisées par le vandalisme révolutionnaire, rares sont les croix qui, comme celle de l’ancien cimetière aujourd’hui placée dans l’église, ont pu résister aux épreuves du temps. La plupart d’entre elles, postérieures à la Révolution, datent du grand élan religieux qui marqua le XIXe siècle. Souvent plantées sur d’anciens socles réutilisés, qu’elles soient en pierre, en fonte ou en fer forgé, les croix participent des monuments patrimoniaux méconnus de la commune.

 

      Pour mieux faire connaitre cette richesse patrimoniale, nous décrivons ci-après une vingtaine de ces croix qui, sous des apparences et avec des fonctions variées, témoignent aujourd’hui encore de la vitalité du sentiment religieux à Compains.

 

 

DES CROIX AUX FONCTIONS VARIÉES

 

       Qu’elle soit croix de source, de mission, de pèlerinage, de chemin ou qu’elle protège les herbages, chaque croix avait sa fonction.

 

      Près des sources qui furent longtemps l’objet d’un culte païen, l’Église voulut placer des croix et des chapelles christianisatrices. Cette pratique est illustrée à Compains en 1652 à la source de Roche. Un texte montre qu’y existait alors une croix qu’on remplaça au XIXe siècle par la chapelle Saint-Gorgon (voir le chapitre consacré à cette chapelle). Au XVIIe siècle encore, on construisait sur la source dite de saint Georges un oratoire encore visible de nos jours près du chemin qui conduit au bois de la cure (voir chapitre Patrimoine religieux, l’oratoire de Saint-Georges).

 

      Les croix de chemin et de Rogations sont nombreuses et de styles variés. Au sud de la commune, à 1300 mètres d’altitude, l’un des chemins empruntés par ceux qui se rendaient aux foires de Brion traversait la Montagne de Joran et longeait la Pierre Saraillade. Une petite croix (voir le chapitre Population et territoire) a été incisée sur une des parois verticales de cette pierre. En outre, une entaille pratiquée au sommet de la pierre semble indiquer qu’elle porta une croix. Placée au bord du chemin entre Cureyre et Barbesèche, une autre croix récente, de taille moyenne, protège les herbages. Elle est très semblable à celle qu’on rencontre dans la Montagne d’Espinat. Probablement s’agit-il d’une croix de Rogations destinée à protéger les champs des aléas climatiques si fréquents et redoutés dans la région.

 

      Trois croix commémoratives récentes sont à signaler : l’une fut érigée dans les années trente près du ruisseau de la Gazelle après la mort du curé Bérard. Une autre, placée sur le Joran, rappelle la mort d’Antoine Chabaud en 1944. Enfin, une croix mémorielle est placée peu avant le hameau de Belleguette en souvenir des disparus du maquis Jean-Pierre.

 

      Au bourg, c’est une Vierge au chef surmonté d’une croix qui accueille les passants près de la route de Besse, alors que, proches de l’église, se dressent deux croix : une croix de chevet et une croix de mission non datée. Les soeurs de Sermentizon qui avaient ouvert un couvent école à Compains installèrent une croix dans le jardin de leur couvent.

 

Les croix les plus anciennes de la commune datent de l’Ancien régime, soit entre le XVIe siècle et la Révolution. Datant du XVIIe siècle, la plus intéressante est sans conteste  celle qu’on trouvait dans l’ancien cimetière, près de l’entrée de l’église Saint-Georges. Elle a aujourd’hui été déplacée dans le transept de l’église près de la pierre baptismale. On verra que sa face porte un Christ et son revers la Vierge. Au pied du fût figure le buste du donateur.

 

      Il arrivait que des objets profanes soient crozés. Ainsi en est-il encore des auges situées à la sortie du village sur la route de Marsol.

 

      Hors de la paroisse, on notera que la quatrième des grandes croix qui balisent le chemin de croix conduisant à la chapelle de Vassivière fut offerte par les compainteyres. Enfin, sortant du périmètre de Compains, nous signalons exceptionnellement ci-après une autre croix proche de la limite sud de Compains mais située dans le village de La Godivelle. Fort intéressante, cette croix  porte les instruments de la passion.

 

 

 

 

      

 

 

LES CROIX DU BOURG

 

Compains – L’église Saint-Georges et sa croix de chevet

 

 

 

 

Croix de l’ancien cimetière (XVIIe siècle)

au pied du fut figure le buste du donateur

 

 

 

La croix du cimetière aujourd’hui placée dans le transept de l’église

 

Croix de mission non datée près de l’église face à l’ancien presbytère

 

 

 

Grande croix posée sur un fût de pierre au centre du village.

Au centre du croisillon, le visage du Christ. Au pied de la croix, deux pleurants sont masqués par une draperie à plis.

 

 

Croix de l’ancien couvent-école des Sœurs de Sermentizon

 

       Près du mur de la propriété, cette croix cylindrique aux bras courts porte un médaillon central. On la trouve en bordure du jardin de l’ancien couvent-école tenu par les Sœurs de Sermentizon. Cette ancienne école religieuse placée non loin du centre du bourg dut fermer ses portes en 1905 lors de la séparation des Églises et de l’État. La croix était une de ces “pierres crozées” qu’on plantait pour borner le territoire des religieux. De telles croix étaient parfois aussi érigées par des particuliers en remerciement d’une guérison ou d’un vœu exaucé.

 

Auges “crozées” à la sortie du bourg sur la route de Marsol

 

 

Vierge “crozée” à la sortie du bourg

 

      Vierge de carrefour au chef surmonté d’une croix. On racontait que certaines de ces croix de carrefour visaient à protéger de la grêle. La Vierge est placée au sommet d’un haut fût posé sur un socle carré. La mémoire locale situe cette croix à quelques centaines de mètres du lieu-dit la Ferrière où Jean de Laizer, seigneur de Brion, tenta vainement d’exploiter une mine de fer à la fin du XVIIe siècle. Une croix est figurée à cet endroit sur le cadastre de 1828.

 

 

Croix du cimetière

 

      Au centre du cimetière, cette croix monumentale à section carrée placée sur un haut soubassement domine les tombes. Elle fut érigée dans les années 1930 lors du transfert du cimetière à son emplacement actuel. Au fond, on aperçoit le clocher de l’église Saint-Georges.

 

 

Croix commémorative de la mort du curé Bérard

 

      Près du ruisseau de la Gazelle apparait cette croix récente à section carrée, d’un style proche des croix de Barbesèche et d’Espinat. Sans figuration ni inscription, la croix est posée sur un socle de pierres empilées, surmontées d’un dé trapézoïdal. Ancrée sur la rive droite du ruisseau de la Gazelle, la croix marque le lieu où mourut subitement le curé Marius Bérard, curé de Compains de 1937 à 1981, alors qu’il allait prendre de l’eau dans la Gazelle. Il avait exercé son ministère à Compains durant 44 ans.

 

 

LES CROIX DES VILLAGES (hameaux) DE LA COMMUNE

 

Belleguette

 

Croix de chemin

 

      Cette croix placée à l’entrée de Belleguette est ornée de feuillages enroulés sur le fût et les bras. Elle fut sans doute installée à la même époque que les deux croix de même style érigées à l’entrée du hameau de Chandelière.

 

 

Brion

 

Brion-bas – Croix de faîtage d’une grange

 

La croix enkystée dans un bosquet

      Au pied de la Motte, un bosquet recèle une croix encastrée au cœur de ses branches. La croix y fut si anciennement placée (cachée ?) qu’elle est aujourd’hui enkystée dans l’arbre où elle a trouvé un abri. De petite taille – environ cinquante centimètres – elle est semble-t-il dépourvue de figuration humaine. Ses bras très courts ont des terminaisons losangées.

 

Brion-haut – Croix enkystée dans un bosquet

 

      Pourquoi une croix dissimulée en cet endroit insolite ? Quoiqu’on ne puisse éliminer l’hypothèse d’une croix de carrefour tombée et récupérée par quelque habitant du lieu, d’autres hypothèses sont envisageables. On pourrait ainsi concevoir avec vraisemblance qu’il s’agisse de la croix de faîtage de l’ancienne chapelle Saint-Jean-Baptiste de Brion. On sait que cette chapelle qu’on ne peut encore localiser, était tombée en ruine dans les années 1780. Les matériaux de la chapelle furent sans doute prestement récupérés pour l’entretien des maisons voisines dès qu’elle fut déchristianisée. Mais que devinrent la croix et la ou les cloches ? On l’ignore pour le moment. S’agissant de la croix, un villageois put l’intercepter dans l’espoir d’attirer la protection divine sur les siens et sur sa maison. La croix pourrait aussi, par exemple, avoir été démontée et cachée lors des troubles qui marquèrent la Révolution. Au fil du temps, on l’aurait oubliée dans le buisson qui l’emprisonne aujourd’hui.

 

Croix à Brion-bas

 

 

Chandelière

 

      Deux croix de style identique balisent l’entrée du hameau de Chandelière. Les bras et les fûts couverts de feuillage évoquent la croix de Belleguette. En arrière-plan on aperçoit les roches de Chandelière-haut où la trace de nombreux bâtiments abandonnés est encore inscrite dans le sol.

 

Chaumiane

 

Croix de Chaumiane

 

Espinat et Redondel

 

Croix de Redondel – Croix d’Espinat

 

       Enlevés à la commune de Compains pendant la Révolution, les deux hameaux d’Espinat et Redondel relevaient des seigneurs de Brion au Moyen Âge. Deux croix apparaissent dans ces villages contenus dans les anciennes limites de la paroisse. Au bord de la route qui conduit de Compains vers Egliseneuve d’Entraigues, à 1169 mètres d’altitude, face à la Montagne d’Espinat, se dresse au lieu-dit la Croix d’Espinat une croix de facture récente, sans socle et de section carrée, semblable aux croix les plus récentes de Compains.

      Quelques kilomètres plus loin, au bord de la route qui relie le hameau de Redondel au bourg d’Egliseneuve d’Entraigues, on découvre une ancienne croix aux bras courts et arrondis dont le fût a disparu. Beaucoup plus ancienne que la croix d’Espinat, celle de Redondel laisse entrevoir un Christ sur l’avers. Privée de son fût, la croix a été fichée dans une pierre, probablement une ancienne meule de moulin.

 

 

Montagne de Barbesèche

 

Croix sur la Montagne de Barbesèche

 

      En pleine nature, au bord du chemin qui longe la Montagne de Barbesèche, on découvre une croix de section carrée aux bras très courts sur laquelle est gravée une croix en intaille. Pourquoi ces croix, érigées si loin de tout habitat ? Les croix dressées au bord des champs sont souvent des croix de Rogations qu’on plaçait dans les herbages et le long des chemins pour préserver les campagnes des calamités naturelles. Durant les Rogations, (les trois jours qui précèdent le jeudi de l’Ascension), le clergé et les fidèles processionnaient dans la paroisse pour que soient préservées les récoltes et le bétail. Une nouvelle fois, il s’agit de pratiques de christianisation d’anciens rites gallo-romains.

 

 

Montagne du Joran

 

Montagne du Joran, face est – Croix avec plaque commémorative du décès d’Antoine Chabaud.

Au fond le buron du Joran, l’un des derniers burons de Compains.

 

Plaque commémorative fixée sur la croix du Joran

 

 

Croix incisée sur la Pierre Saraillade

 

      Dressée sur la montagne du Joran, la Pierre Saraillade présente sur l’une de ses faces une croix gravée en creux. Le  sommet de la pierre porte une cavité qui pourrait indiquer l’emplacement d’une ancienne croix.

 

Sommet de la Pierre Saraillade où dut être fichée une croix

 

 

La Ronzière

 

Monument de la Résistance

Croix dressée en mémoire du maquis Jean-Pierre

      Sur le site de la commune de Compains (Compains.fr) on trouvera la préface de Guy Philippon, maire du village de 1951 à 1983, à l’ouvrage intitulé Des maquis d’Auvergne aux bagnes nazis.

 

 

Marsol

 

      Au milieu des herbages, cette ancienne croix de pierre aujourd’hui juchée en équilibre sur un rocher était placée près du moulin de Marsol. Rustique mais pleine de charme, cette simple croix regarde vers un horizon où se détache la Motte de Brion. A son pied, alimenté par des sources descendues de Beauregard, et en particulier par la Fontaine de Guillaumon, coule le ruisseau qui fit tourner l’ancien moulin de Marsol.

 

Croix de chemin entre Marsol et les Costes

 

      Posée sur un ancien dé trapézoïdal en pierre, cette grande croix formée de croisillons a des bras terminés par des cœurs.

 

 

LES PIERRES “CROZéES” RéEMPLOYéES

 

à Belleguette

 

au bourg

 

 

LA CROIX DES COMPAINTEYRES SUR LE CHEMIN DE CROIX DE VASSIVIERE

 

      La croix de fer forgé de la quatrième station du chemin de croix qui conduit à la chapelle Notre Dame de Vassivière fut offerte par les paroissiens de Compains. D’autres croix identiques furent offertes par les fidèles des villages du Valbeleix et d’Espinchal ou du bourg de Besse.

 

 

A LA GODIVELLE, village voisin de Compains

 

Croix de La Godivelle

 

      Particulièrement intéressante, la croix élevée en 1850 au centre du village de La Godivelle porte plusieurs attributs de la passion.

      Surmontant le Christ, on trouve, classiquement placées au centre, les initiales que Pilate fit apposer sur la croix (INRI “Jésus de Nazareth, roi des Juifs”), encadrées par les instruments du supplice. Sur le bras gauche du croisillon sont représentés un clou et la pince ; sur le bras droit, le marteau et, fixée à un roseau, l’éponge trempée dans le vinaigre qu’un soldat donna au Christ pour étancher sa soif.

      Sur le fut, le coq du reniement de saint Pierre surmonte l’échelle qui servit à la descente de la croix. Plus bas, une aiguière rappelle l’eau que fit apporter Pilate pour se laver les mains.

 

 

AU CIMETIÈRE DE COMPAINS