Compains

Histoire d'un village du Cézallier

Le loup, ennemi commun de l’homme et du bétail

 

Un prédateur omniprésent

     Pendus haut et court ! tel était le sort des loups qui proliféraient jusqu’aux portes de Paris au Moyen Âge. En mars 1516, une ordonnance de François Ier qui interdisait la chasse “aux sujets non nobles non privilégiés”, autorisait cependant les roturiers à s’armer pour traquer le loup. Décrit comme “l’ennemi commun” par La Fontaine dans la fable Le loup et les bergers, le loup apparait sous un jour redoutable dans la littérature, les chansons enfantines ou les contes.

Le loup et l’agneau, Fables d’Esope, début XVIe siècle, BNF

    

     Sous Louis XIV, hommes et bêtes vivaient dans l’insécurité dans les campagnes françaises où planait partout la menace du loup. Colbert, dans une lettre en 1670, déplorait que “les moutons d’Angleterre couchent à l’air dans les prairies à cause qu’il n’y a pas de loups…nous ne pouvons pas faire la même chose”. Le loup s’attaquait au gibier, mais surtout au bétail et parfois même aux jeunes bergers, à tous ces enfants qui gardaient chèvres et moutons dans les herbages des montagnes. Il fallait organiser la défense des populations. Pour mieux se livrer à la destruction du nuisible, on créa en 1520 le service de la louveterie. A partir de 1682, le grand dauphin, fils de Louis XIV, avec la louveterie du roi contribua fortement à dépeupler la région parisienne de ses loups. Mais profitant des grands hivers de 1692-1693 et de 1709, le loup fit un retour en force et les ravages de l’animal se poursuivirent au long du XVIIIe et du XIXe siècle.

     Depuis l’Auvergne, l’intendant Trudaine écrivait en 1730 au contrôleur général Orry à Versailles : “cette province est affligée d’une calamité à laquelle je crois qu’il est indispensable de remédier. Les loups font des ravages épouvantables. Non seulement ils s’attaquent aux brebis et aux vaches mais aussi aux hommes et l’on a vu dans une seule semaine jusqu’à trois personnes d’un seul village mangées par les loups. La perte des bestiaux a été aussi considérable en plusieurs endroits et surtout dans les montagnes”.

 

Double peine pour les victimes

     Le loup était d’autant plus redouté qu’il pouvait communiquer la rage et souvent, des loups affamés et enragés s’introduisaient en quête d’une proie dans les villages ou dans les faubourgs des villes. Quand le loup enragé n’avait pas réussi à tuer sa proie, la victime de l’attaque pouvait subir une fin atroce. Considéré comme un danger pour la société, le blessé restait sans traitement efficace contre sa maladie. Il n’y avait plus alors “qu’à laisser mourrir les victimes dans d’horribles souffrances après les avoir enfermées ou terrassées. Généralement, on étouffe les enragés sous des oreillers”. Et parfois, sans pitié, on tuait d’un coup de fusil le malade incurable (M. Lachiver).

 

L’Etat récompense les tueurs de loups

    

L’administration royale tentait de recourir aux mesures qu’on pensait les plus efficaces – des battues et huées – et, plus motivantes,  des primes. Un fonds spécial fut créé en 1730 pour distribuer des gratifications à ceux qui s’adonneraient à la destruction des loups. Rossignol, intendant d’Auvergne, fit diffuser dans la province en 1736 par voie d’affiche les montants des “gratifications à ceux qui tueront des loups dans l’étendue de cette province”. Les subdélégués d’Auvergne pouvaient payer aux chasseurs jusqu’à cinq livres par tête de loup et 50 sols par tête de louveteau. Pour empêcher que les têtes soient représentées plusieurs fois elles devaient être “défigurées” et on devait couper les oreilles de l’animal en présence du subdélégué.

 

     Quoiqu’il n’apparaisse pas véritablement d’importants foyers de prolifération dans la subdélégation de Besse dont faisait partie Compains, les directives sur la marche à suivre pour récompenser les destructeurs de loups sont régulièrement répétées par les administrateurs. Lors de sa prise de fonction à Besse le 26 janvier 1739, le subdélégué Godivel reçut de l’intendant 42 livres et 10 sols à employer en gratifications “pour ceux qui porteront des têtes de loups”. A Compains l’année suivante, des primes furent payée par l’intendance à des gardes du comte de Brion qui avaient tué des loups.

 

Alors que dans toute l’Auvergne des destructions de loups continuent d’être pratiquées lors des chasses et battues, de nouvelles méthodes de lutte sont essayées comme les pièges et la fosse. En 1763, ce sont 427 têtes qui sont rétribuées dans la province, chiffre qui ne fut jamais dépassé. De 1750 à 1788, l’intendance d’Auvergne rétribua 12512 têtes de loup. Parmi les noms des chasseurs bons louviers qu’on retrouve sur les états de paiements, on note à Compains celui d’Antoine Barbat.

Placard, 1736, Arch. dép. du Puy-de-Dôme 

 

 

L’administration poursuit ses efforts pour préserver les bestiaux de “la dent vorace des loups”. Le contrôleur général Laverdy fait distribuer dans les provinces en 1765 un nouveau Mémoire sur l’utilité de détruire les loups dans le royaume. Comme les paroisses voisines des bois étaient particulièrement sensibles à la présence du loup, il leur fut demandé en 1787 d’organiser six battues pour attaquer les loups le même jour dans toute la province et pendant trois dimanches consécutifs. La même année  la louveterie royale est supprimée, laissant le champ libre aux loups qui prolifèrent à nouveau. Durant la Révolution, alors que l’exercice du droit de chasse aurait pu contribuer à faire baisser les populations lupines, l’administration du district de Besse continue de déplorer que les prédateurs soient installés à demeure dans le pays où ils causent de grands ravages. La lutte, menée dans l’intérêt général, mobilisait un grand nombre d’habitants qui tendaient des filets vers lesquels étaient orientés les loups qu’on voulait capturer. Mais les fonds manquent pour récompenser les tueurs de loups qui, faute de primes suffisantes se démobilisent. Le 15 février 1795 (27 pluviôse an III), les administrateurs du Puy-de-Dôme s’interrogent : faut-il “conserver ce genre d’encouragement qui tend à la conservation des bestiaux et même à celle des citoyens ?”, observant que “l’administration avait oublié de demander des fonds pour cet objer” ils déplorent que “la gratification accordée en 1790 à ceux qui tuent des loups, était trop modique dans le moment actuel”.

 Loup, Encyclopédie D’Alembert, Diderot, Arch. dép. du Puy-de-Dôme

 

Les administrateurs décident de demander une somme de 3000 livres “laquelle somme sera affectée aux paiements des indemnités et gratifications dues à ceux qui détruisent des loups…pour un loup 15 livres, pour un louveteau 6 livres”…il est en outre “défendu à tout citoyen qui aurait uté des loups de pouvoir les commercer et demander aux citoyens aucune somme sous quelque prétexte que ce puisse être”. On continue de redouter la fraude : il faut dresser un procès verbal descriptif de l’espèce et du lieu où les animaux ont été saisis “aussitôt que les têtes des loups seront portées aux officiers municipaux, ils feront amputer les deux oreilles de chaque bête qu’ils feront enterrer ensuite après avoir fait conserver les oreilles amputées”. Des battues trimestrielles sont organisées contre “loups, renards, blaireaux et autres animaux nuisibles”.

Les guerres de la réolution et de l’Empire épargnèrent le Puy-de-Dôme qui ne subit donc pas la prolifération des loups attirés par les cadavres des chevaux laissés morts sur les champs de bataille. Pourtant, après l’Empire, les loups firent un retour en force en 1817-1818.

 

Tueurs de loups à Compains

A SUIVRE

 

 

 

 

 

 

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