Compains

Histoire d'un village du Cézallier

– Jean II

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JEAN II de LAIZER (1657-1716)

Seigneur de Brion de 1676 (?) à 1716

épouse le 30 juin 1706 Christine Boibeau (27 avril 1717)

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      Jean II prend en mains la seigneurie de Brion dans des circonstances qui, à deux reprises, vont marquer durablement le royaume de France par leurs conséquences épouvantables sur la population : la famine de 1693-1695 et le grand hiver de 1709.

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Une POPULATION AFFAIBLIE

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Une succession de crises majeures

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  • Famine, guerres, épidémies, dépopulation

      Alors que régnait Louis XIV, deux crises climatiques majeures viennent marquer le passage de Jean II de Laizer à Brion. Ce fut d’abord l’effroyable crise frumentaire des années 1693-1695, génératrice d’une famine meurtrière pendant laquelle ceux qui ne moururent pas survécurent dans la disette. On a entrevu au chapitre Misère l’impact dramatique de cette famine à Compains et alentour. Des années plus tard, Vauban qui préparait la publication de son projet de “dixme”, déclarait en 1705 : “près de la dixième partie du peuple est réduite à la mendicité et mendie effectivement ; des neuf autres parties il y en a cinq qui ne sont pas en état de faire l’aumône, parce queux-mêmes sont réduits, à très peu de chose près, à cette malheureuse condition”.

      Les conflits se succèdent et il faut soutenir l’effort de guerre du pays. On mobilise 200 000 hommes. La guerre aggrave la pression fiscale et les conséquences de la famine n’étaient pas encore effacées qu’apparaissait en 1695 un nouvel impôt, la capitation. La pression fiscale suscite en 1697 la rébellion des paysans du domaine de Montoron (com. Neschers voisine de Chidrac), une des propriétés des Laizer. Le receveur des tailles venu prélever les fruits du domaine doit faire face aux paysans, “lesquels estoient dans une grande furie”. Une fronde à la main et flanqués de chiens ils s’opposent à ce que le receveur face charger les gerbes d’un plongeon (meule) sur un char. Face à cette révolte récurrente dans les campagnes, et “de peur de risquer sa vie”, le collecteur d’impôts “avoit esté contraint de se retire à cause de la force majeure”.

      Après la famine, chaque année apporte son lot d’épidémies (variole, typhus, scorbut) et de dysenteries qui frappent des organismes fragilisés par la sous-alimentation. A Compains, les courbes des mariages et des naissances s’effondrent à nouveau en 1707, bien avant le nouveau dérèglement climatique de l’hiver 1709. Les décès explosent. Les naissances ne se redresseront provisoirement qu’en 1712 avant de repartir à la baisse en 1714.

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Le grand hiver 1709

      Les textes qui permettraient de documenter la question climatique à Compains dans les premières années du XVIIIe siècle sont rarissimes, même s’agissant de l’épouvantable vague de froid polaire du grand hiver 1709 qui gela les semis et fit à nouveau bondir la courbe des décès dans tout le royaume. Seuls les registres paroissiaux permettent de déceler à Compains la trace de cet épisode climatique glacial, mais heureusement beaucoup plus court que la famine des années 1690. Les paysans s’en sortirent en semant de l’orge au printemps. Les années s’enchaînent et les récoltes restent médiocres. En 1712, une grande sécheresse règne à Compains. Le foin manque dans les greniers pour faire la jointure de printemps et les bêtes manquent “d’embonpoing”.

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  • Fiscalité, milice, épizooties

      Pour parfaire cette série de catastrophes majeures un nouvel impôt arrive en 1710, à nouveau pour financer la guerre : le dixième. En principe acquitté par tous au départ, le nouvel impôt était payé sur le dixième des revenus jusqu’à ce que l’Église s’en exonère en faisant à l’État un “don gratuit”. Prévu pour être temporaire, le dixième deviendra permanent.

      Le roi ne se contentait plus de rappeler le ban et l’arrière-ban des nobles comme en 1689 et les années suivantes. En 1688, on avait créé la milice, sorte de service militaire qui touchait presque exclusivement les paysans. Il serait exagéré d’affirmer que l’Auvergne s’empressa d’apporter sa contribution à la défense du pays. La milice, en privant de main d’œuvre l’agriculture empêchait de pourvoir normalement aux travaux des champs et gênait ceux qui voulait partir en émigration hivernale.  Les petites paroisses devaient fournir suivant leur taille un ou deux hommes non mariés, âgés entre vingt et quarante ans. Tous ne pouvant acheter un remplaçant, la population rurale cherchait par tous les moyens à se soustraire à cette conscription. On se mariait alors précipitamment ou on se cachait comme le fit Jean Roux de Belleguette “sur lequel le sort estoit tombé pour servir sa majesté”. Mais le déguerpissement de Jean Roux pouvait faire pleuvoir les sanctions sur sa famille dont les biens pouvaient être saisis et vendus sommairement par le subdélégué de l’intendant à Besse. Jean Roux restant introuvable, les consuls de Compains durent “acheter un homme à leurs frais et despens pour servir en lieu et place dudit Jean”. Les consuls exigèrent du grand-père de Jean Roux qu’il leur rembourse les 180 livres avancées pour remplacer son petit-fils.

      Couronnant le tout, les épizooties viennent ravager les troupeaux. En 1714, la maladie qui attaquait les bestiaux à Saint-Alyre-ès-Montagne sur les terres des La Rochefoucauld, n’épargna sans doute pas les bestiaux de Compains. On doit dresser des états par paroisse des bœufs, vaches et génisses, morts. Les répercussions sur les paysans de cette litanie de catastrophes se conçoivent facilement : c’est une misère permanente et profonde qui peut conduire certains à la mendicité.

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  • Misère à Brion : la supplie de Marie Grolier

      Revenons sur le cas de Marie Grolier, évoqué au chapitre Misère. Orpheline, Marie Grolier est mariée à 13 ans à Pierre Chandezon, fils d’un laboureur de Belleguette. En 1713, ils sont paysans à Brion. Chargés d’une nombreuse famille ils croulent sous les dettes, ne peuvent plus nourrir leurs enfants ni payer leurs impôts. Nul ne veut plus les secourir. Marie fait alors écrire par son procureur (représentant) une supplique adressée à Nicolas Fournier, lieutenant en la châtellenie de Compains (adjoint au procureur d’office) pour demander l’autorisation d’aliéner ses biens dotaux. Personnelle, la dot de la femme ne se confondait pas avec les biens du ménage ; en cas de décès du mari elle restait la propriété de la veuve et non des héritiers.

      L’aliénation des biens dotaux était un dernier recours qu’autorisait la coutume d’Auvergne en cas d’extrême nécessité. Mais avant de faire droit à la demanderesse encore fallait-il suivre une procédure précise et surveillée par les agents seigneuriaux pour établir le bien-fondé de la demande. Convoqués, cousins et voisins doivent donner leur avis sous serment. Tous certifient que Chandezon n’a plus aucun bien et ils consentent à ce que sa femme vende ses biens dotaux “pour les alhimans d’elle, de son mary et de leurs enfans”, mais à concurrence seulement de 220 livres, réserve qui laisse entendre qu’il ne s’agit pas là de la totalité des biens dotaux de Marie. Le juge châtelain accepte finalement la vente des biens dotaux et la famille va pouvoir bénéficier d’un répit.

       Officiers au service du roi, Jean II ou ses frères se rendent épisodiquement sur la terre de Compains entre leurs campagnes militaires.

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JEAN II de LAIZER

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Les Laizer vus par l’intendant d’Auvergne

      Faisant suite à notre évocation au chapitre précédent d’une éventuelle montée en puissance de la notoriété des Laizer dans la seconde moitié du XVIIe siècle, qu’en est-il à la charnière du siècle suivant ? Dans son Mémoire sur l’état de la généralité de Riom en 1697 dressé pour l’instruction du duc de Bourgogne, l’intendant Lefèvre d’Ormesson cite, laconiquement – et inexactement – les Laizer à l’extrême fin du chapitre consacré à la noblesse “de Laizer de Brionne [Brion] Compains et plusieurs autres” (autres désignant ici les seigneuries de Jean II, inconnues de l’intendant). En outre, quand dans son Mémoire, d’Ormesson liste les fiefs qui appartiennent au Dauphiné d’Auvergne, il ne mentionne pas la seigneurie de Brion. L’omission est envisageable à moins que l’intendant ait considéré que la seigneurie ne faisait plus partie du Dauphiné d’Auvergne en 1697, sujet sur lequel nous reviendrons ultérieurement.

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Les héritiers de Jean Ier

      Annotant le Mémoire de d’Ormesson, Abel Poitrineau ne mentionne que deux des fils de Jean Ier : Jean, homonyme de son père que nous nommerons ci-dessous Jean II, seigneur de Brion jusqu’en 1716 et son frère cadet François de laizer qui succèdera à Jean II en 1716. Les volontés testamentaires de Jean Ier (1670) prévoyaient un arrangement si Jean II n’avait pas d’héritier : François devait être substitué à son frère aîné, ce qui adviendra. L’objectif était, outre de perpétuer la maison de Laizer, d’éviter le morcellement des biens du lignage. Nous nous en tiendrons à cette version des faits dans ce chapitre bien qu’il semblerait que celui que nous nommons Jean II ait pu succéder à un frère aîné, encore un homonyme, mort lui aussi sans postérité. Enfin, plusieurs frères cadets apparaitront au fil de notre recherche à l’occasion d’interventions ponctuelles qu’ils feront dans la seigneurie.

      L’incomplétude des registres paroissiaux de Chidrac où naissent la plupart des Laizer nous prive de l’acte de naissance de Jean II. Heureusement, son âge, cité à l’occasion de sa convocation au ban de 1689, permet de déduire sa date de naissance. Né en 1657, Jean II était âgé de 19 ans à la mort de Jean Ier, son père.

Source : A.D.P.D.

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Au service du roi

      La fratrie des Laizer fait carrière à l’armée en un temps où la contestation du roi n’est plus de mise. A l’image de son père, Jean II “comte de Brion, baron de Compains et seigneur de Chaumiane” se bat comme ses trois frères dans les armées royales, démontrant que les Laizer sont dotés d’assez de biens pour pouvoir acheter des grades plus ou moins élevés pour servir le roi.

      Jean II est capitaine de cavalerie quand, âgé de 32 ans, il est convoqué au ban en 1689. Il requiert d’être déchargé du service militaire, arguant que trois de ses frères cadets François, Hugues et Jean sont actuellement au service du roi et que lui-même “est présentement en Cour pour recevoir ses ordres” (Tixier). Il sera de nouveau convoqué au moins à trois reprises. A cette date, son frère cadet François de Laizer  est capitaine au régiment du Lyonnais, Hugues de Laizer est lieutenant au régiment Royal-Dragons et Jean de Laizer, seigneur de Siougeat, est officier dans la seconde compagnie de mousquetaires du roi. Le seigneur de Siougeat fera une carrière remarquable. Il occupera des emplois militaires élevés et finira sa carrière comme gouverneur de la place de Thionville. Nous le retrouverons ultérieurement dans un autre chapitre de notre recherche sous le nom de Jean de Laizer-Thionville, solution préférée à la numérotation pour limiter les confusions entrainées par les homonymies qui s’enchaînent de génération en génération.

A Compains, la fratrie pratique la solidarité familiale. Selon les circonstances, on verra l’un ou l’autre des frères de Jean II intervenir dans la seigneurie de Brion pour y suppléer l’aîné absent ou retenu au service du roi.

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Jean II épouse Christine Boibeau : un mariage à Compains

      Sans doute trop occupé par la vie de garnison et voulant peut-être redorer son blason, Jean II épouse à 50 ans une roturière, Christine Boibeau, fille  de bourgeois clermontois,  Barthélémy Boibeau et feue Christine Soucilier. Discret, le mariage fut célébré à Compains le 30 juin 1706 par l’ancien curé Gabriel de Chazelles, en présence du père de la mariée, de François de Laizer, de Jacques Golfier, vicaire communaliste, et de Jacques Morin, praticien (juriste) de Compains.

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Acte de mariage de Jean II de Laizer et Christine Boibeau 30 juin 1706

Source : A.D.P.D., Compains, registres paroissiaux

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    Bien qu’il faille prendre les nobiliaires avec précaution, citons Remacle. Il affirme que Jean II de Laizer, seigneur de Lignerol, dit le comte de Brion, épousa Christine Boibeau “avec laquelle il habitait à Brion”. Cette affirmation – non sourcée – appelle deux remarques : Jean II est dit seigneur de Lignerol, terre qui, chez les Laizer, était attribuée à un cadet, ce qui accréditerait qu’il ait existé un aîné, disparu sans postérité auquel succéda celui que nous nommons Jean II. Celui-ci vécut-il à Brion à demeure avec sa femme clermontoise comme l’affirme Remacle ? Christine Boibeau est clermontoise et les Laizer vivent à Chidrac.  L’idée ne peut cependant être exclue à la lecture des registres paroissiaux qui montrent qu’été comme hiver le couple seigneurial était présent dans la paroisse où il parrainait des enfants.

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SITUATION FINANCIÈRE COMPLIQUEE DE LA FAMILLE

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      Dans beaucoup de familles nobles, mieux valait être chef de famille si on voulait pouvoir tenir dignement son rang. Les finances des cadets et des veuves nobles n’étaient souvent pas brillantes. Petitement légitimés (dotés), les cadets qui faisaient carrière dans l’armée royale étaient peu rétribués. Quant aux veuves, elles découvraient à la mort du mari le monceau de dettes qui amputait jusqu’à leur dot et les contraignait à renoncer à une succession obérée.

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Rembourser les dettes familiales

      Seigneur haut justicier à la noblesse confirmée par l’intendant d’Ormesson à la fin du siècle, titré comte de Brion, officier dans les armées du roi, la situation financière de Jean II était aisée. Malgré cela, et comme on l’a déjà vu avec les Bréon au Moyen Âge, chaque génération laissait une ardoise de dettes que devait assumer la génération suivante.

  • La dette des parents au monastère de Sainte-Ursule

      A peine la paroisse vient-elle de sortir de la grande famine des années 1692-1695 que Jean II se voit réclamer par le couvent des Ursulines de Clermont le paiement des dettes laissées pendantes par ses parents. Sans doute ceux-ci n’avaient-ils pas payé la totalité de la pension de leur fille placée dans les années 1660 dans ce monastère clermontois où les religieuses se consacraient à l’éducation des jeunes filles nobles et bourgeoises. La dette contractée par feu Jean Ier atteignait 2762 livres. Elle avait été cautionnée le 12 novembre 1673 par Jean Morin, lieutenant de Compains, une caution qui ne fut pas actionnée pendant deux décennies. Les dettes générant des arrérages, la veuve de Jean Ier, Jeanne de Bélinay par jugement du 13 mars 1677, fut condamnée à payer 1240 livres supplémentaires qui se cumulèrent avec le montant de la dette. Posséder plusieurs seigneuries ne signifiait pas qu’on détienne beaucoup de liquidités. Jean II qui ne détenait pas les 4000 livres requises pour rembourser les religieuses devait impérativement les trouver.

  • La montagne de La Taillade vendue aux Ursulines (26 mai 1696)

       Pour réunir la somme nécessaire, Jean II se trouva forcé de vendre un morceau de sa seigneurie de Brion et céda aux religieuses la moitié de la montagne de La taillade, au pied même de la Motte de Brion.

      Après avoir obtenu une procuration de ses frères, Jean II délaisse aux Ursulines 50 têtes d’herbages (environ 50 hectares) pris dans la montagne de La taillade jusqu’au Pré de l’arbre, soit à peu près la moitié de cette montagne. L’endroit était habituellement réservé à la dépaissance des troupeaux du seigneur qui s’y réservait “son passage dans les communs et montagnes de Brion au dessous des moulins dudit Brion…pour passer et repasser ses bestiaux en tous tems a son bon plaisir et volonté pour aller a la montagne de la taillade”. Jean restait cependant le seigneur éminent des lieux vendus aux religieuses qui devaient lui verser un cens symbolique de 5 sols “pour la conservation des droits et devoirs seigneuriaux”. Il renonçait par contre à son droit de lods et ventes, un droit de mutation souvent lourd perçu par le seigneur sur la vente d’immeubles.

      Cette vente était-elle une véritable aliénation ? On peut en douter. Outre qu’elle ne donnait pas aux Ursulines une grande influence locale, on retrouvera plus lard La Taillade dans les biens seigneuriaux. Il pourrait s’agir ici d’un contrat par antichrèse par lequel le débiteur, Jean II, transférait provisoirement à ses créancières Ursulines la possession de la moitié de La taillade, le temps pour les religieuses d’en percevoir les fruits à concurrence du montant de la dette. La terre revenant ensuite à son propriétaire initial.

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Légitimer les frères cadets

      Les cadets des Laizer semblent peu enclins à entrer dans les ordres. Officiers dans l’armée royale, ils sont peu rétribués. Jean II dut les  légitimer et compléter la légitime de ses frères, parfois même en utilisant les revenus de la seigneurie de Brion.

  • A son frère François, qui lui succèdera brièvement à la tête de la seigneurie de Brion entre 1716 et 1722, Jean II attribue en complément de légitime le bénéfice du péage estimé à 140 livres payé par ceux qui se rendaient aux foires de Brion.
  • A son frère Hugues seigneur de Lignerolles, lieutenant dans le régiment des Dragons Royaux, il donne le fief de Riben (Ribains) dans la paroisse de Solignat d’un revenu d’environ 350 livres de rente. Hugues avait épousé en 1693 Marguerite-Angélique de Beaufort-Canillac qui lui avait donné une bonne douzaine d’enfants. A plusieurs reprises, on le voit intervenir à Compains en lieu et place de son frère aîné absent. Malade, il dicte à Chidrac ses dernières disposition le 8 mars 1709, quelques jours après la fin du grand hiver. Son testament illustre la situation de bon nombre de cadets de famille désargentés : il déclare que ses biens n’excèdent pas 2500 livres. Le chiffre initial porté sur le testament semble avoir été 3500, a été grossièrement raturé. Il lègue 200 livres au curé de la paroisse de Chidrac où,  il veut être enterré “au tombeau de ses prédécesseurs”, selon la formule employée dans les testaments des paysans. A son épouse vont de modestes biens meubles “en déduction de ce qui peut luy estre deu sur ses droits et gains matrimoniaux” : la dot avait donc été amputée. Il laisse cinq enfants – quatre filles et un garçon – encore en vie à sa mort “avec le posthume dont ledit testateur croit madame son expouse estre enceinte”. Il institue comme héritier son fils François de Laizer (homonyme du futur seigneur de Brion) qui recevra le quart de tous ses biens et devra payer le cheval qui se trouve dans l’écurie. Les autres enfants devront se partager les trois quarts restants des biens de la famille, ce qui laissera peu de biens pour doter les filles dont l’avenir risque d’être orienté vers la religion ou un mariage avec un bourgeois. Mort le 10 mars 1709, peu après avoir testé, Hugues sera inhumé selon sa volonté dans l’église de Chidrac.
  • A son frère (encore un homonyme) Jean de Laizer, seigneur de Siougeat, (Jean de Laizer-Thionville), échoient les revenus du domaine de Montoron dans la paroisse de Nescher. Ce fief, possédé en toute justice, ne relevait que du roi.

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Les revenus seigneuriaux avant et après la famine de 1692-1694

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  • A la mort de Jean Ier

Jean Ier reconnaissait en 1675 des revenus provenant des biens suivants :

“il jouy et possède la seigneurie de Brion, Compains, Ruben (Ribains près de Solignat) du revenu de deux mil livres dependant du duché de Montpensier”,

“le domaine de Montoron en fief, paroisse de Pardines, de revenu de deux cent livres”,

“une maison et domaine en roture dans la paroisse de Chidrac du revenu de 200 livres”,

autre domaine en roture dans le lieu et paroisse de Saint Diéry du revenu de 200 livres,

“autre domaine en roture dans le village de Montredon paroisse de Saint-Nectaire de revenu de 50 livres, le tout dépendant de la sénéchaussée d’Auvergne”.

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      Peu avant sa mort (1676), Jean Ier déclare  2500 livres de revenu en 1674. Ses fiefs de Brion et Ribains lui rapportent 2000 livres et ses terres non nobles tenues en roture à Pardines, Chidrac, Saint-Diéry et Saint-Victor lui rapportent 500 livres. On notera la grande dispersion des biens cités et la faiblesse des revenus déclarés qui, possiblement minorés, sont à considérer avec précaution. Il n’apparait pas clairement en outre si les revenus des domaines seigneuriaux situés à Groslier, à Chandelière et à Malsagne sont intégrés à l’évaluation ci-dessus. Le petit domaine de Groslier avait été acheté le 13 février 1672 par Jean Ier pour la somme de 300 livres. Il appartenait à Anthoine Peyronnet et Jeanne Auzolle sa femme et comprenait un corps de métairie situé dans le village de Groslier avec maison, grange, étable, chezaux (ruines), jardin , prés et parras. En 1685, le domaine de Chandelière à l’est de la paroisse était tenu par Michel Barbat et Maximilienne Tartière, des “gens de labeur” venus de Graffaudeix “a presant demeurans métayers au domaine du chasteau de Compains”

  • Jean II

      A Compains, Jean II bénéficiait des revenus de la directe de Brion (Motte, foirail, Lac des Bordes, Montcineyre). Pour les terres qu’ils exploitaient dans la seigneurie les tenanciers payaient annuellement un cens en argent et en nature, (poules, seigle, avoine), mais cet immuable loyer de la terre se dévalorisait avec le temps. D’autres droits seigneuriaux hérités de la féodalité s’étaient aussi maintenus : les banalités sur le four accensé à Jean Morin dont le seigneur imposait l’usage à ses tenanciers et sur les moulins de Brion, Belleguette et du bourg. Laizer touchait encore les péages et la leyde sur les marchandises conduites aux foires de Brion dont on a vu que le produit servait de complément de légitime à son frère François. Alors que l’insécurité avait disparu depuis des lustres, l’ancienne corvée de guet, devenue sans objet, restait cependant lucrative pour le seigneur qui l’avait convertie en argent. En 1708, chaque foyer devait payer annuellement cinq sols à la place du guet. On verra que les dîmes, pour partie encore inféodées à la fin du XVIIe siècle, étaient prélevées sur le seigle, l’orge et l’avoine. En 1689, la conjoncture étant devenue plus favorable, le revenu des biens de Jean II marque une progression importante : on vend du bétail pour les armées du roi et les épizooties marquent le pas. Il déclare “3000 livres de rente ou environ”.

Quand il déclare ses biens sous serment en 1693, c’est la famine. Le revenu qu’il révèle pour Brion et Ribains n’est plus que de 600 livres. On verra ci-dessous que pendant que sévissait la famine, la dîme seigneuriale comme celle du curé continuèrent d’être levées.

      En dépit de sources peu nombreuses, de données dont la comparabilité est imparfaite, de plusieurs réponses non renseignées et d’autres peut-être insincères la chute des revenus seigneuriaux consécutive à la crise climatique des années 1690 est pourtant évidente. Ce montant, même si on ne peut exclure qu’il ait été sous-estimé, a été amplement laminé par la crise climatique qui a marqué la décennie. Le revenu de la seigneurie de Brion se trouve divisé par trois. Qu’on envisage ce qui restait aux paysans. Ces difficultés économiques pourraient aussi expliquer le mariage de Jean II  en 1706 avec la fille d’un bourgeois.

      On subit alors une misère profonde aggravée en 1695 par Louis XIV qui, pour financer la guerre met en place la capitation, un nouvel impôt payé cette fois par les trois ordres, noblesse, Église, Tiers État. Chacun payait la capitation en fonction de la classe à laquelle il appartenait. Le comte de Brion faisait partie des nobles les plus riches, ceux de la classe sept qui payaient plus de cent livres. Jean II paiera 250 livres de capitation alors qu’un manouvrier de Compains payait 20 sols (une livre).

  • La perception des redevances seigneuriales

      En octobre 1705, Jean II se rend en personne à Brion pour toucher le cens dont le paiement en nature a majoritairement été transformé en argent. De Jean Vigier, par exemple, il touche en argent 27 sols, plus 4 sols pour une demi poule, plus 5 sols pour un droit de guet devenu inutile mais qu’on perçoit dorénavant en argent ; pour l’usage du fourneau (four) un quarton de blé (7 sols et demi), et un quarteron d’avoine (13 sols et demi) “en deduction des cens a moy dus a cause de ma seigneurie de Brion dont [je] le tien quitte pour cette présente année 1705“. Progressivement, le cens payé au seigneur s’est dévalorisé : en 1696 les paysans de Compains payaient 5 sols de cens annuel au seigneur, une somme qui devenait progressivement symbolique.

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A COMPAINS

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Relations de la “dame de Brion” et des Laizer avec la population rurale

      Si Jean II ou ses frères parrainent à l’occasion quelques nouveaux nés, c’est surtout Christine Boibeau, plus proche des “peuples” par son origine bourgeoise, qu’on retrouve à plusieurs reprises marraine des enfants de Compains. La “puissante dame comtesse de Brion” marraine entre 1703 et 1706 des enfants de familles compainteyres, les Grouffaud, les Juilhard à trois reprises, les Golfier ou les Maubert, par exemple. Assez curieusement, c’est en 1703, soit trois ans avant leur mariage, que Jean II  et Christine Boibeau sont parrain et marraine de Christine Grouffaud du bourg de Compains.

  • 1703 25 août – baptême de Christine Grouffaud du bourg.  Parrain : Jean de Laizer “haut et puissant seigneur messire Jean de laizer comte de Brion” – Marraine : demoiselle Christine Boibeau “de Clermont” ; parmi les signatures on remarque celle de Lascolange le seigneur d’Escouailloux.

Acte de baptême de Christine Grouffaud, A.D.P.D., Compains, registres paroissiaux

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  • 1706 8 septembre – Baptême de Pierre Juilhard du bourg. Les Juilhard son “hostes”,  aubergistes au bourg. Marraine : Christine Boibeau “haute et puissante dame comtesse de Brion” – Parrain : Pierre Morin notaire royal.
  • 1708 7 février – Baptême de Gabriel Golfier de Brion. Jacques Golfier est prêtre communaliste à Brion. Marraine : Christine Boibeau “dame de brion, Compains et autres places”. Elle signe : “la comtesse de Brion”.
  • 1708 2 novembre – Fait rare,“haut et puissant seigneur messire Jean de Laizé chevalier comte de Brion” est présent à un contrat de mariage, celui de Jean Boyer et Catherine Verdier.
  • 1709 4 mai – Baptême de Christine Juilhard de Cureyre. Marraine : “haute et puissante dame Christine Boibeau, comtesse de Brion”. Parrain : Pierre Juilhard de Cureyre.
  • 1711 18 janvier – Baptême de Jean-Baptiste Sauvignat de Marsol. Parrain : Jean de Laizer comte de Brion seigneur de Compains. Marraine : Anne Antignat de Marsol.
  • 1711 23 avril – Baptême de Pierre Juilhard de Compains. Parrain : Pierre Berger. Marraine : Louise de Laizer-Lignerol (fille de Hugues de Laizer mort en 1709).
  • 1711 30 octobre – Baptême de Louise Morin de Compains, fille de Jean Morin et Charlotte Boyer. Parrain : “vénérable personne Blaise Morin [prêtre] communaliste de Compains”. Marraine : “Louise de Laizer, consorte à feu Jean Morin, vivant lieutenant de Compains”. Elle signe Lignerol.
  • 1712 18 septembre – Baptême de Jean Admirat, fils de Jean Admirat et Jeanne Roux. Parrain : Jean de Laizer comte de Brion. Marraine : Marguerite Boudier du moulin de Péraud.
  • 1715 27 avril – Baptême de Christine Maubert du bourg. Marraine : “Madame Christine Boibeau, contesse de Brion”. Elle signe : “la comtesse de Brion”. Parrain : Pierre Bergier.

 

      Ces extraits des registres paroissiaux appellent quelques remarques :

  • Les filles, qu’elles soient marrainées par Christine Boibeau ou par Louise de Laizer portent systématiquement le prénom de leur marraine. Seul Jean Admirat, parrainé par Jean II porte le prénom du seigneur.
  • La paroisse passe avant la seigneurie. Le comte parraine un enfant de Marsol en 1711, hameau situé dans la paroisse de Compains mais qui relève de la seigneurie du Valbeleix.
  • On remarque enfin que le seigneur et son épouse sont présents à Compains quelle que soit la saison de l’année, même en hiver, ce qui serait en adéquation avec les affirmations de Remacle.

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Des rapports toujours tumultueux avec la population

      Les compainteyres n’étaient sans doute pas indifférents à la diffusion des idées véhiculées pendant les foires par les marchands venus d’autres régions du royaume. Ils profitaient également de l’émigration hivernale pour “voir du pays” et, pourquoi pas, engranger quelques idées progressistes qui encourageaient leur tempérament contestataire. Les plus commodes, n’hésitaient pas à attaquer les agents du seigneur quand ils estimaient qu’ils abusaient de leur pouvoir (voir Les agents seigneuriaux). Quant à Jean II, il continue d’entretenir des relations orageuses et procédurières avec les paysans.

      Les travaux et les jours au village furent scandés par au moins trois procès entre 1703 et 1709 dont – pour le moment – nous sommes loin de connaître tous les tenants et aboutissants. Sans malheureusement pouvoir en donner les clefs ni la conclusion, on citera un procès contre Pierre Morin (1701) qui se trouva évincé de 45 journaux de près par le comte de Brion qui aurait obtenu 3600 livres de dédommagement ; un autre procès fut actionné par Jean II (1703) contre les habitants de Marsol et des Chirouzes, villages qui relevaient de la seigneurie du Valbeleix ; enfin, Juilhard, laboureur à Compains fut attaqué en 1709 pour jouissance indue d’une maison.

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Jean II revend aux brionnais des biens achetés par son père

      Établi en 1670, le testament de Jean Ier stipulait notamment que son successeur à la tête de la seigneurie de Brion devrait revendre aux paysans de Brion les héritages qu’il leur avait achetés “lequel seigneur de Siougeat (Jean Ier) a recommandé audit seigneur vendeur (Jean II) par son testament du 21 juillet 1670, de remettre aux habitants du village de Brion tous les héritages acquis desdits habitants en remboursant par eux le prix des acquisitions“. Ces retours au propriétaire initial semblent dans le testament de Jean Ier devoir être limités aux paysans de Brion. L’héritier aurait dû en principe respecter les volontés du défunt. Pourtant, les reventes aux brionnais apparaissent bien rares. Ce n’est qu’en 1706 qu’appliquant explicitement l’injonction paternelle, Jean II revend à Jean Vigier laboureur à Brion un pré qui avait été acquis par Jean Ier de Laizer le 5 mars 1666, soit quarante ans plus tôt !  Si quelques rares ventes sont bien constatées avant les années de misère, une seule actuellement peut, à coup sûr, être attribuée au respect tardif de la volonté paternelle plutôt qu’aux circonstances.

      Mais pourquoi ces reventes aux paysans que la documentation manuscrite ne renseigne que parcimonieusement ? En rachetant les biens de ses dépendants en difficulté Jean Ier a pu vouloir éviter le départ de paysans contraints par leurs dettes de vendre leur maison et leurs lopins avant d’aller travailler en ville. Des étrangers à la seigneurie prêts à saisir toutes les opportunités pouvaient alors s’ emparer de ces terres à vil prix et venir “miter” la seigneurie. Laizer aurait voulu éviter la multiplication de ces achats par des forains au village, nobles ou bourgeois profiteurs de misère dont plusieurs étaient déjà installés sur d’importants domaines à l’ouest et au sud-ouest de la paroisse. Il aurait  considéré ses achats comme transitoires dans l’attente de jours meilleurs qui permettraient aux paysans de lui racheter leurs biens.

      Dans le même ordre d’idée, les baux à rente rachetables abondent : ils offrent l’avantage de permettre à un cultivateur qui traverse une mauvaise passe de pouvoir racheter son bien après quelques années, mais présentent l’inconvénient de perdre le bien si une échéance n’est pas respectée. Deux exemples :

  • A Cureyre en 1679, Jean de Laizer seigneur de Lignerolles résidant à Vodable, baille à rente le 9 octobre 1679 à François Roux dit Joye de Cureyre une maison et un journal du pré dit Le Lac sis à Compains, moyennant une rente de 20 livres payables annuellement à la Saint-Martin d’hiver. L’ensemble serait rachetable par Roux quand il le pourrait pour la somme de 400 livres dont seraient déduits les versements déjà faits.
  • Le 17 juillet 1691, Jean II vend à Crégut laboureur à Brion des prés et parras pour 20 livres de rente annuelle et perpétuelle payable à la Saint-Martin d’hiver. La rente est rachetable si Crégut ou ses héritiers paient au seigneur 412 livres pour le principal de la rente. En l’absence de paiement au jour convenu, le seigneur dénoncera le contrat.

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L’épineuse question des dîmes

       Pour son revenu, le curé pouvait toucher au bon plaisir du seigneur, soit la portion congrue dont le montant était fixé par des ordonnances royales, soit la dîme payée en nature à condition qu’elle ne soit pas inféodée (usurpée par le seigneur).

  • Le curé Antoine Papon gagne son procès contre Jean Ier et son fils Jean II

      On se souvient qu’en 1670 Antoine Papon, curé de Compains, était entré en procès contre Jean Ier de Laizer et d’autres nobles dîmeurs de la paroisse (voir le chapitre Jean Ier). Le parlement de Paris avait donné raison au curé le 6 septembre 1673 et c’est le nouveau curé Gabriel de Chazelles qui avait profité de la décision. L’affaire traina en longueur et ce n’est que le 30 mai 1682 que le tribunal intima  à Jean II de laisser le curé percevoir les dîmes. Pire encore pour le seigneur, il devait “rendre et restituer les fruits et dixmes par luy pris et percus dans l’etandeu de laditte paroisse”. Perdre des dîmes était gênant mais devoir rendre celles déjà perçues put être considéré comme vexatoire par le seigneur. Après ces péripéties, Gabriel de Chazelles toucha donc dorénavant une dîme ecclésiastique levée à Marsol, Groslier, Chandelière, Cureyre, au tènement de la Montagnoune et enfin dans un “petit circuit” à Compains.

  • Le prélèvement des dîmes en 1693, année de famine

      Prélevée dans le cadre de la paroisse, la dîme frappait les produits de la terre et variait suivant les assolements pratiqués. La connaissance de la production des domaines seigneuriaux, pas plus que de la production des petites exploitations paysannes ne sont pas connues, faute d’archives de la seigneurie. On sait cependant qu’en montagne, le produit de la dîme de grains se répartissait généralement entre deux tiers de seigle et un tiers d’avoine. On prélevait par hameaux les grains qui devaient être portés au bourg dans le grenier du curé et au grenier seigneurial qu’on peut penser situé soit au pied-à-terre seigneurial du bourg, soit à Brion dans des locaux de stockage aujourd’hui détruits mais dont, vue du ciel, la trace reste visible au sommet de la Motte.

      La dîme de grains recueillie à Compains pendant la famine de 1693 fut collectée au profit de plusieurs dîmeurs, le curé, plusieurs nobles propriétaires terriens dans la paroisse et la seigneurie ecclésiastique de chapitre de Saint-Chamand.

Les hameaux dîmés en 1693

      Notre source est incomplète et certains hameaux n’y figurent pas (La Ronzière, Malsagne). A La Ronzière où la situation est particulièrement terrible, les paysans n’ont rien cueilli parce que l’année précédente ils n’avaient pas eu les moyens de semer. Marsol, bien que faisant partie de la seigneurie du Valbeleix est dîmé à Compains avec Belleguette, Brion, une partie du bourg, Malsagne et Chaumiane, dîmés par les Laizer ; Chandelière et Groslier sont dîmés par le chapitre de Saint-Chamand ; au sud-ouest, le dîmeur de Graffaudeix, Espinat, Redondel est le marquis de Miramont d’Yolet.

Nature des prélèvements

      Les paroissiens payaient au curé en 1693 une dîme de céréales dont la production s’était effondrée, plombée par les perturbations climatiques. Faute de sources antérieures qui auraient éclairé le rendement d’une “année commune”, on ne peut mesurer à quel point la baisse de la production a fait baisser les prélèvements de dîme en cette période de famine. Dans tous les hameaux, on note la nette domination du seigle, la céréale panifiable, suivie par l’avoine avec presque au même niveau, l’orge. Marsol – peut être le hameau plus productif – est en tous cas celui qui subit le prélèvement le plus important. Curieusement, des villages comme Belleguette et Redondel qui, dans l’enquête de 1693 sur le contenu des greniers n’ont pas montré d’avoine ou d’orge s’en voient prélever cette même année lors de la levée de la dîme.

A Rochecharles

      Dans le village voisin de Rochecharles, on dîmait les produits animaux. On payait au curé une dîme de lanage (perçue sur la laine des moutons), et une dîme de charnage, (prélevée sur le croît des bestiaux). Il ne semble pas y avoir eu à Compains de telles dîmes portant sur les bestiaux, pas plus que sur les légumes, le chanvre ou le lin. A l’occasion d’un différend survenu entre Buschon, curé de Rochecharles et ses paroissiens, on avait décidé de payer la dîme au 1/20e, mais le curé exigeait 15 louis en plus, une “somme ruineuse pour ces pauvres gens” estimait le subdélégué d’Ardes, Rodde de Chalaniat, qui demanda à l’intendant une remise sur les contributions. Le curé de Compains parait avoir eu des prétentions plus respectueuses de l’état miséreux des paysans.

  • L’accord de 1701 entre le curé Breulh et Jean II

Un territoire dîmable partagé entre plusieurs décimateurs

      En 1700, une partie des dîmes de Compains était toujours inféodée au profit de gros décimateurs, le comte de Brion, le marquis de Miramont seigneur de la Roque et la dame d’Entraygues qui payait 30 livres de complément de congrue au curé Jean Breulh.

Une dîme prélevée à des taux variables

      Le prélèvement de la dîme était très inégal. Dans les hameaux dîmés au profit d’un curé on prélevait la dîme à la vingtième et unième gerbe, un taux léger qui privait le cultivateur de 5% de sa récolte. C’était e cas à Compains et au Cros de Joran dans la paroisse de La Godivelle. Les sources retrouvées – partielles par manque d’archives de la seigneurie de Brion – sont pour le moment muettes sur le taux de prélèvement pratiqué au profit de Jean II.

 Les prélèvements faits au profit des nobles qui tenaient les terres du sud-ouest de la paroisse étaient deux fois plus lourds. Dans le “quartier d’Entraygues”, on prélevait la dîme à la onzième gerbe depuis au moins le XVIe siècle. François de Malras, marquis d’Yolet, implanté à La Fage, Graffaudeix et dans l’Entraigues faisait prélever la dîme à la onzième gerbe, un lourd prélèvement pour l’agriculteur qui devait laisser plus de 9% de sa récolte au décimateur. 

La levée de la dîme

      Le curé ne levait pas lui-même la dîme qui était acensée et sa collecte pouvait être affermée à différents fermiers. Quelques jours avant la récolte, on adjugeait la dîme  à des habitants qui connaissaient bien le terroir, généralement un meunier ou un gros paysan. Une gerbe sur 21 était  retranchée à la récolte du paysan. Le dîmeur versait la quantité ou la somme convenue au curé et au seigneur et se remboursait avec bénéfice sur les prélèvements qu’il faisait sur le terrain. Faute de sources suffisantes, on ne connait as la part du dîmeur. Ce procédé était pénalisant pour le cultivateur qui ne pouvait rentrer sa récolte avant le passage du percepteur. Il risquait de la voir détériorée par les intempéries ou même d’être victime d’éventuels abus. En 1699, Jean II affermait pour quatre ans à Jean Admirat les dîmes de Belleguette et La Ronzière moyennant 294 livres. Cet arrangement allait se trouver modifié par l’accord passé en 1701 avec le nouveau curé de la paroisse.

L’accord de 1701

      Conformément aux ordonnances royales et aux recommandations de l’évêque qui voulaient un revenu décent pour le curé et son vicaire, Jean Breulh nouveau curé de Compains réclamait au seigneur un supplément de portion congrue – c’est à dire convenable – ainsi que les seigneurs décimateurs étaient tenus de le faire. Jean II délaisse au curé les dîmes de Compains, Malesagne, Barbesèche, Belleguette et La Ronzière. Non seulement ces villages n’étaient pas les plus productifs de la paroisse, mais le seigneur se réservait le droit de changer d’avis en payant à la place de la dîme les 450 livres de la congrue (300 livres pour le curé, 150 livres pour le vicaire). Pratiqué seulement les bonnes années, ce revirement serait tout à son avantage. Parce que selon la conjoncture climatique les années où la récolte avait été bonne il avait intérêt à récupérer la dîme en nature dont le produit dépasserait 450 livres pour ne donner que la congrue au curé. Jean II se réservait les dîmes des meilleurs hameaux, Brion,village alors le plus peuplé qui comptait dix-sept dîmables, Marsol qui en comptait treize et Chaumiane.

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  • La dîme du curé Jean Breulh en 1714

      La dîme des villages de l’est de la paroisse vient d’être prélevée à la 21e gerbe au profit du curé ce 7 octobre 1714 dans les hameaux de Marsol, Belleguette, Chandelière et Groslier. L’accense de sa levée a été renouvelée à trois fermiers, Jean Martin dit Biele de Marsol, Antoine Roux de Belleguette et François Martin qui lèvera la dîme à Chandelières et Groslier. C’est devant le notaire qu’on acte le produit retranché à la récolte des paysans au profit du curé :

La dîme du village de Belleguette a rapporté douze septiers de “blé seigle” et un septier d’avoine,

-celle du hameau de Marsol a rapporté onze septiers de seigle et un septier d’avoine, et enfin

-celle de Chandelières et Groslier douze septiers de seigle et un septier d’avoine.

      Le curé engrangeait donc trente-cinq septiers de seigle et trois septiers d’avoine. En principe, il devrait donc rester aux paysans vingt fois ce produit soit 700 septiers de seigle et 60 septiers d’avoine. En réalité il leur en reste moins puisque Jean Martin dit Biele, Antoine Roux et François Martin, les trois dîmeurs, doivent prélever leur quote-part dont le montant n’est pas précisé dans la minute notariale. Il n’est pas non plus indiqué si le niveau de la récolte est normal, – c’est à dire du niveau d’une “année commune” – s’il est faible ou s’il est supérieur à une année normale. On peut cependant envisager que la récolte n’ait pas été exceptionnelle en 1714, année qui succède à plusieurs années de sécheresse.

 

GESTION de la SEIGNEURIE

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  • La surveillance des actes déterminants

      L’un ou l’autre des Laizer ne manquait pas de venir surveiller en personne la passation de certains actes de la pratique quand ils concernaient un villageois qui, comme le notaire ou le meunier, jouait un rôle essentiel au village.

      A Belleguette, le seigneur affermait à Jean Admirat, meunier du moulin seigneurial de Péraud, les dîmes de Belleguette et La Ronzière. En septembre 1706, Jean de Laizer seigneur de Lignerol vient assister à la rédaction par le notaire du testament-inventaire de Jean Admirat qui a refusé la présence de l’agent seigneurial. Comme souvent, le curé, caution morale, est présent avec les témoins. Le 30 novembre suivant, Laizer est présent à nouveau en personne au règlement d’un différend entre Admirat et son frère qui le menaçait d’un procès. En 1709, c’est le comte de Laizer qui assiste au contrat de mariage passé à Besse entre Pierre Morin, 33 ans, notaire à Compains qui se remarie avec Marie Conches, fille d’un notaire de Besse.

  • Gérer les bois

      Trop souvent pillés par les paysans qui manquaient de matières combustibles, les bois devaient faire l’objet d’une gestion rigoureuse et d’une surveillance régulière. Les paysans de Chaumiane n’avaient aucun droit d’usage, ni le droit de couper du bois dans la forêt de Montcineyre, propriété personnelle du seigneur de Brion. Peu fréquentes, les ventes de bois étaient surveillées et encadrées et les baux afférents à leur exploitation très précis. Le 20 juin 1688, Jean de laizer vend à Claude Malsang bailli du Luguet une coupe de bois dans le bois d’Espinas ou bois des hommes proche de Chaumiane à prendre avec une paire de bœufs ou vaches moyennant 120 livres que l’acquéreur paya comptant. Les conditions de la vente stipulaient que Claude Malsang pourrait prendre du bois à perpétuité et prélever un arbre dans la forêt du Puy de Montcineyre de dix ans en dix ans, après que cet arbre ait été marqué par le procureur d’office de Compains, à cette époque Antoine Desserres, résidant à Besse. Le preneur ne choisissait donc pas son arbre qui lui était désigné par l’agent seigneurial suivant les consignes de Laizer.

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ACTIONS en FAVEUR de l’ÉGLISE

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Fondation impayée de Jean II pour la luminerie de l’église Saint-Georges

      Les luminiers devaient s’occuper de l’éclairage de l’église Saint-Georges. Un délibératoire du 27 décembre 1707 visant à nommer un luminier révèle que le notaire Morin avait reçu en 1704 dans un “contrat de fondation fondé au profit de la luminaire de Compains” la promesse faite par le comte de Brion de payer 20 livres 12 sols de “rente annuelle a perpétuité” pour la luminaire de l’église. Antoine Verdier “gros laboureur du village de Brion” avait été chargé par le comte de régler cette somme. Malheureusement, déplore le délibératoire, Antoine Verdier “n’a fait aucune diligence pour ce faire” et rien n’a été versé à la luminerie trois ans plus tard.

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Donation aux prêtres de Saint-André de Besse

      Comme ses parents, Jean II fait des donations à la communauté des prêtres de Besse. En 1689 et 1699, il renouvelle pour 18 livres le vente d’une coupe de bois à prendre avec une paire de bœufs dans le bois d’Espinas près de Chaumiane. Une première vente avait déjà été passée par Jean Ier en 1672 à un laboureur du village de Chandèze, Blaise Thourent pour lui et ses successeurs. En contrepartie, les preneurs devraient verser 8 livres de rente aux prêtres communalistes de Saint-André de Besse. L’accord sera renouvelé en 1716 au profit d’Emmanuel Godivel et Antoine Maffre, prêtre et syndic de la communauté de Besse.

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JEAN de LAIZER et CHRISTINE BOIBEAU INHUMES à BESSE

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      Le comte de Brion, “agé d’entour 60 ans”, meurt le 29 février 1716 à Besse. Il est enterré le premier mars dans l’église Saint-André. On peut lire dans le registre paroissial de Besse : “l’an 1716 et le premier jour du mois de mars à été enterré noble Jean de Chioujac Leser seigneur et conte de Brion, mort le jour précédant muni des sacrements de leglise agé d’entour 60 ans”. Christine Boibeau l’y rejoindra le 28 avril 1717.

Acte de décès de Jean II de Laizer 1er mars 1716 (Source : A.D.P.D., Besse, registres paroissiaux)

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Acte de décès de Christine Boibeau 28 avril 1717 (Source : A.D.P.D., Besse, registres paroissiaux)

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EVOLUTION du PAYSAGE SEIGNEURIAL

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Brion et Compains “fiefs de dignité”

      Quand Jean II meurt sans héritier en 1716, le fief noble de Brion et Compains a été érigé en fief de dignité auquel est rattaché un titre. Brion est titré comté, Compains est titré baronnie (Source : A.D.P.D.). La paroisse est découpée en plusieurs justices. Au sud, la justice de Saint-Hérem, au nord la justice de Murols, la seigneurie de Brion est du ressort de la justice de Montpensier.

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Des seigneuries changent de mains à Compains

      Alors que Louis XIV cède la place au Régent, le paysage nobiliaire s’est recomposé dans la paroisse et dans son l’environnement immédiat. Contrairement à la stabilité qu’on constate à Compains, des pages se sont tournées aux portes de la seigneurie de Brion. Des seigneuries tenues depuis des temps immémoriaux par de très anciennes familles d’Auvergne ont changé de mains.

  • Au nord, la seigneurie du Valbeleix a été vendue en 1703 par Françoise de Saint-Nectaire à Philippe de Crussol d’Uzès, baron d’Apchier. Sont concernés à Compains le village de Marsol, les Costes, Escoufort et Jeansenet, c’est à dire la quasi totalité du nord de la paroisse.
  • Au sud, les 120 hectares de la seigneurie d’Espinchal avec les Fournols et la Montagne de Chevaspeyre (fontaine des trois seigneurs) ont été cédés en 1713 par Jeanne d’Espinchal moyennant 35 000 livres à un bourgeois d’Ardes, Mathieu Rodde de Chalaniat qui étend son empire dans les montagnes avant de poursuivre son expansion à Compains.
  • Au sud toujours, François de Malras marquis d’Yollet, a acheté en 1705 une partie de l’Entraygue où il est voisin du marquis de Miramont. Neveu de Claude de Brezons, le marquis de Miramont vient d’hériter de la fortune de son oncle.

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De CRISES en CRISES : une MISÈRE PERSISTANTE

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      Durant les deux dernières décennies du règne de Louis XIV, tous ont subi à Compains une avalanche de catastrophes : perturbations climatiques exceptionnelles, famine, disettes, fiscalité excessive pour financer les guerres, recrutement des jeunes pour la milice, procès ruineux. La fin du règne laisse la plus grande partie de la communauté rurale dans le dénuement et, sans doute l’exaspération, séquelles d’une condition misérable. C’est alors que François de Laizer succède à son frère Jean II. Entre seigneur et paysans l’affrontement va reprendre et les brionnais ne sont pas au bout de leurs peines.

 

A SUIVRE avec

François de Laizer